Proposer ses ouvrages aux journalistes : le service de presse numérique | |
Les habitudes ont la peau dure, en matière de service de presse. Ce passage quasi obligatoire des maisons d'édition consiste à faire des paquets envoyés aux journalistes, pour leur signaler une nouvelle publication. Et dans l'attente d'une chronique. Mais la pratique coûte cher, s'avère fastidieuse et sans réelle assurance d'un papier – positif ou non. D'autant que les journalistes ont leurs exigences, certains n'acceptant que les épreuves non corrigées, un coût supplémentaire pour l'éditeur. Lettres numériques s'est penché sur la question, sollicitant plusieurs acteurs, aux avis divers. |
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Il y a peu, le journaliste Michel Dufranne (chroniqueur à la RTBF entre autres pour l'émission « Livrés à domicile ») évoquait la question des services de presse en format digital lors de rencontres liées au numérique. Nous l'avons donc contacté pour qu'il nous explique son point de vue. D'autres critiques ont également accepté de répondre à nos questions : Lucie Cauwe, ex-critique littéraire au journal Le Soir et auteure d'un blog littéraire, Pierre Maury, critique littéraire au journal Le Soir également et Gabriel Lucas, critique de littérature de jeunesse sur le blog La Mare aux mots. Nous avons également contacté diverses maisons d'édition en Belgique francophone. | |
Le service de presse dans le monde de l'édition, qu'est-ce que c'est ? | |
Pour résumer la chose, le service de presse ou SP, c'est le livre qui est envoyé par les attachés de presse des maisons d'édition aux journalistes, chroniqueurs et rédactions des médias qui seraient susceptibles d'en faire la promotion. Traditionnellement, le livre à promouvoir quitte la maison d'édition (souvent à Paris) pour arriver par courrier au domicile du journaliste ou à sa rédaction. Parfois, les services de presse sont « marqués » d'un cachet qui désigne ce qu'ils sont, parfois pas.
L'autre possibilité est le service de presse numérique. Sans rapport avec une newsletter envoyée aux journalistes avant l'envoi traditionnel de livres (comme certaines maisons d'édition le pensaient), le service de presse numérique est l'envoi par email, Dropbox, Wetransfer ou tout autre service de la totalité du livre sous format EPUB (ou d'autres formats qui permettent une lecture correcte sur les supports numériques). De ces discussions avec les critiques littéraires ressortent deux grandes tendances, ceux qui sont pour l'envoi de services de presse sous format digital et ceux qui préfèrent continuer à découvrir les livres sous format papier. |
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Les maisons d'édition et leur rapport au SP numérique | |
En ce qui concerne les maisons d'édition, celles que nous avons contactées nous ont avoué ne jamais recourir à ce type de pratique par manque de connaissance ou parce que les journalistes ne leur ont jamais demandé de le faire. Michel Dufranne nous a brossé un bref portrait des autres types de réactions.
Tout d'abord, il existe des maisons d'édition qui refusent catégoriquement de laisser sortir des fichiers EPUB de leurs murs (alors qu'ils sont vendus sous ce format aux clients). C'est le cas par exemple d'Albin Michel. Ensuite, les maisons d'édition qui acceptent de fournir le fichier, mais qui ne le fournissent pas d'emblée aux attachés de presse. Ces derniers doivent donc faire parvenir le message à la personne capable de/autorisée à faire le transfert. Ce qui peut se révéler compliqué, voire très compliqué. Il y a aussi les maisons d'édition pour lesquelles les versions numériques ne sont pas gérées par la même société, c'est le cas de 10/18 qui se transforme en 12/21 pour le numérique : d'autres gens, d'autres lieux, d'autres contacts… Enfin, il y a les éditeurs pure players, comme ONLIT par exemple. Ces derniers, dans une démarche qui plaît à Michel Dufranne, fournissent au journaliste, en début de saison, un fichier contenant la totalité de leurs sorties. Aussi simple que ça… |
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Service de presse papier, service de presse numérique : quels avantages et inconvénients pour les critiques littéraires ? | |
Avantages du papier
Inconvénients du papier
Inconvénients du SP numérique
Avantages du SP numérique
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Moins cher, plus pratique à utiliser, plus pratique à stocker, plus facile à envoyer et à recevoir… Alors pourquoi le service de presse numérique est-il toujours une pratique si peu courante ? Pour la simple raison que la plupart des maisons d'édition sont toujours terrorisées à l'idée que leur service de presse numérique ne tombe dans les mains de personnes mal intentionnées et qu'avant même sa sortie, la version ebook de leur grosse cartouche ou du petit auteur très prometteur ne se retrouve sur des sites de partage gratuit. Tout le monde s'accorde à dire que des protections peuvent exister, Michel Dufranne évoquait par exemple la possibilité de taguer les livres avec le nom et le numéro de GSM du critique à qui était destiné l'exemplaire. Néanmoins, il reste également vrai que ces protections peuvent encore à l'heure actuelle presque toujours être contournées… Pierre Maury : "Dans les cas les moins aigus de crainte du piratage, je reçois des fichiers protégés de différentes manières, ce qui n'est pas très grave pour le format EPUB pourvu qu'il soit possible de le copier sur les différents supports que j'utilise, mais peut être plus gênant avec le format PDF quand il interdit le recadrage ou l'introduction de métadonnées, alors que j'ai besoin de réduire des marges parfois considérables et d'utiliser une signalétique interne pouvant être reconnue par mes appareils. Heureusement, il existe des outils pour ôter ces protections. Dans les cas les plus aigus, mais ils sont peu nombreux, certains services de presse n'ont pas l'autorisation, dans leur maison, d'envoyer des fichiers. J'explique patiemment que les fichiers ne sortiront pas de chez moi et, petit à petit, l'idée fait son chemin même chez les plus réfractaires. Si je considère la situation actuelle par rapport à ce qu'elle était il y a cinq ans, je dirais que je lisais à l'époque moins d'un livre sur dix à partir d'un fichier numérique. Tandis qu'à présent, j'en lis beaucoup moins d'un sur dix sur papier. Et, à l'intérieur des services presse numériques, la proportion du format EPUB croît, doucement, mais sûrement." |
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Une solution à proposer ? | |
Selon Michel Dufranne, la solution pourrait être la suivante : "Les éditeurs pourraient nous envoyer une sorte de preview dans laquelle on trouverait un EPUB comprenant l'argumentaire et les 50 premières pages du roman ; à la fin de chaque texte un lien dynamique pour envoyer directement un mail à l'attaché de presse en mode « J'ai lu et j'aimerais lire la suite… (En EPUB ou en Papier). » On sait par la pratique que nous, critiques, posons déjà un diagnostic Stop ou Encore après 50 ou 100 pages." Une façon intéressante de faire des économies tout en proposant la totalité du catalogue… Le débat reste ouvert. |
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