Le DRM, la mauvaise réponse au partage simplifié d'un ebook
 



DRM : de moins en moins MDR, de plus en plus de la MRD

Aujourd'hui, mercredi 6 mai, est une journée consacrée, à travers le monde, à la lutte contre les DRM. Cette mesure technique de protection est « une mauvaise réponse apportée » à « la facilité de partager les ebooks ». Plutôt que de se lancer dans une explication du comment neutraliser ces MTP, l'April vient de diffuser une vidéo éloquente, sur les ravages qu'un DRM occasionne dans la pratique pourtant innocente de la lecture.
La loi française est d'ailleurs très stricte sur ce point : en vertu de l'article 323-3 du Code pénal, la justice « réprime l'altération de fichiers, soit l'introduction ou la suppression ou la modification frauduleuse de données ». Et il en coûtera à l'impétrant une amende de 45.000 € et trois ans d'emprisonnement. Selon la loi relative au droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information, la peine est de 30.000 € et 6 mois de prison pour toute personne diffusant ou facilitant la diffusion d'un logiciel qui permet de contourner une MTP.

Autrement dit, et dans les deux cas, mieux vaut mettre son argent à profit en s'achetant des chaussures. 

La présence de DRM est un contrôle exercé par le détenteur des droits, qui introduit là une sorte de nouveau modèle, le droit d'accès. En effet, un DRM restreint les possibilités de partage, de diffusion, voir plus bêtement encore, interdit l'impression du fichier numérique, en l'occurrence, un livre. Et l'April, association qui s'est donnée pour mission de défendre le logiciel libre insiste : 
 
"Plus spécifiquement cette année, nous mettons l'accent sur les livres électroniques et les DRM. En effet, les DRM réduisent grandement les droits des lecteurs et font que, justement, un livre électronique n'est pas équivalent à un livre imprimé. Avec un livre électronique sans DRM, l'utilisateur a globalement les mêmes droits que pour les livres papier (possibilité de les prêter, de les lire autant de fois qu'il le souhaite, en tout lieu ou sur tout périphérique...), alors qu'avec un livre électronique verrouillé par un DRM l'utilisateur n'a que des droits limités".
 
Ajoutons d'autre part que l'exception Copie privée ne permet même pas de faire jouer en sa faveur la neutralisation d'un verrou numérique. De fait, l'exception n'est pas un droit, mais bien... une exception au droit. Il serait toujours possible de s'en prévaloir en cas de procédure pour contrefaçon, mais le moyen de défense resterait ténu. 

Dans un dossier consacré à la Redevance Copie Privée, nous avions également fait un point sur la question : la RCP, depuis une jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne, n'est en rien interdite par la présence de DRM. La RCP doit simplement tenir compte du secteur et de l'offre, pour harmoniser ses taux avec la présence de DRM.

L'April le note pourtant bien. « On ignore de quoi le DRM protège ou de qui », mais surtout : « La justification des DRM est de faire que des ebooks se comportent comme des livres. Les DRM sont censés éviter qu'il soit massivement dupliqué et partagé, sans que chaque copie soit achetée. »
 
Une TVA réduite sur un service numérique ? Tiens donc...
 
L'autre grande difficulté est que, lorsque l'on achète un ebook, « on n'est pas propriétaire du fichier ». Ce qui induit effectivement cette notion d'achat d'un droit d'accès. « On n'achète pas un ebook, on loue, tout au plus, un service de lecture. » Cette dernière remarque devrait faire prendre conscience aux autorités françaises, reconnues coupables d'infraction à la directive européenne sur la TVA, qu'il y a fort à faire.

Si un livre est un livre, comme le défend vaillamment le Syndicat national de l'édition, alors un livre numérique doit être un livre, et disposer des mêmes avantages. Pour appliquer une TVA à 5,5 %, la France a pris le parti de considérer que l'ebook était un livre papier comme les autres. À la petite différence que, morts de trouille à l'idée qu'un livre numérique soit partagé plus facilement qu'un livre papier, certains éditeurs ont choisi de truffer leurs fichiers de DRM.

Bien entendu, le contrat d'édition implique que l'éditeur mette en place les solutions pour lutter contre la contrefaçon. En effet, l'article L. 131-9 du Code de la propriété intellectuelle indique que « le contrat mentionne la faculté pour le producteur de recourir aux mesures techniques ». Et comme nous le précise un spécialiste de la propriété intellectuelle, « on ne peut pas empêcher un éditeur d'apposer des mesures techniques de protection, parce qu'il a le droit pour lui ». Dans ce cas, pourquoi ne pas soumettre l'idée du watermarking : cette solution a ses limites, mais répondrait à l'article L. 131-9, tout en obéissant à l'impératif du contrat d'édition.

Mais dans ce cas, puisque l'utilisateur final achète bien un service de lecture, ne faudrait-il pas que ces mêmes maisons se retrouvent avec une TVA plein pot ? Après tout, un livre est un livre, non ? Donc un service de lecture n'est assurément pas un livre, et ne mérite pas un taux de TVA réduit.
 
Nul n'est censé ignorer la loi, sauf si les peines l'indiffèrent
 
D'autant plus que le fameux nouveau contrat d'édition à l'ère numérique impose aux éditeurs de vendre un fichier sans DRM, si l'on suit à la lettre la législation. En effet, l'éditeur est tenu de « rendre accessible à la vente, dans un format numérique non propriétaire». Or, en l'état, un DRM est une altération du fichier, qui transforme l'ebook en fichier propriétaire – et le rend impossible à lire sur l'ensemble des plateformes actuellement proposées.

La difficulté de cette situation est que, pour seule punition de n'avoir pas commercialisé un livre accessible, l'éditeur se retrouverait dans une position qui fait rire sous cape. L'auteur aurait le droit de résilier sa cession de droit, et de reprendre son livre en format ebook. Chose qu'un éditeur n'accepterait que moyennement, au risque de refuser la publication de la version imprimée.

Sic transit gloria mundi. ADRMen.
 
 
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Signature : Nicolas Gary